ces nuisances pourraient diminuer dès 2014 en Europe

31.10.2013 – Actu-environnement

Aéroports : certaines nuisances pourraient diminuer dès 2014 en Europe

Ce n’est pas « la » solution ultime pour maîtriser les nuisances aériennes, mais tout de même… les flottes d’Airbus A320 sont sur le point de gagner en discrétion. Sébastien Trollé fait le point sur une innovation de nature à soulager les populations survolées.

Sébastien Trollé

Sébastien Trollé Auteur de l’ouvrage sur les nuisances aériennes  »Les Poisons du Ciel ». Directeur commercial des Éditions Cogiterra.

Force est de constater que l’Airbus A320 et ses déclinaisons – A318, A319, A321 – ne passent pas inaperçus. Pas seulement pour leur succès commercial, mais aussi pour certains bruits aérodynamiques, insupportables, que les populations survolées ont eu du mal à faire reconnaître aux autorités compétentes.

Airbus A320 : particulièrement bruyant en phase d’approche

En phase d’approche des aéroports, entre 50 et 15 km du seuil des pistes pour Roissy-CDG, la famille A320 produit un son spécifique qui se surajoute à l’empreinte sonore habituelle des aéronefs, déjà invasive. La raison ? Deux cavités situées sous les ailes, sorte d’évents prévus pour réguler la pression des réservoirs de kérosène. À faible vitesse, l’air s’engouffre dans les cavités et provoque des résonances.
L’émission de deux fréquences distinctes à 530 et 580 Hz, dissonantes et audibles par l’oreille humaine, constitue une véritable agression sonore. Et l’ampleur du phénomène est considérable : 1- en phase d’approche, les aéronefs survolent un large territoire à basse altitude, 2- il s’agit d’un bruit omnidirectionnel, perceptible par la population où qu’elle soit par rapport à l’avion, 3- un effet Doppler, dû au mouvement de l’avion, fait varier les fréquences reçues de 800 Hz (en rapprochement) à 400 Hz (en éloignement). « Cela donne un peu l’impression d’entendre un avion de combat des années 40 en piqué », précise Jean-Paul Hunault, initiateur et chargé des études acoustiques au sein de l’association AREC Plaine de France.

Une difficile reconnaissance par les autorités

En France, la reconnaissance assumée du « bruit particulier » de l’A320 par les autorités fut tardive. Dès 2003, les associations environnementales tiraient le signal d’alarme, pas seulement dans la rue, mais aussi au sein des organes représentatifs tels que les Commissions Consultatives de l’Environnement… sans avoir le sentiment d’être entendues. En 2010, la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) acceptait officiellement d’étudier le phénomène en associant les acousticiens « militants ». En 2012, une étude d’impact eu lieu aux abords de Roissy.

L’industrie aéronautique en quête de solution

Et pourtant, début 2000, les Allemands travaillaient déjà à la recherche de solutions pour ce défaut aérodynamique. Le Research Network Quiet Trafic, réseau interdisciplinaire allemand sur le bruit des transports qui associe industriels, opérateurs, R&D et institutions gouvernementales, y consacrait des moyens conséquents.
La compagnie Lufthansa et le DLR – centre allemand de recherche aérospaciale -, ont testé les premiers aménagements possibles dès 2001. En 2004-2005, des solutions optimisées, testées sur A320, ont pu être présentées lors de la conférence internationale sur le bruit Euronoise 2006. Et depuis… pas grand chose.

Au haut : générateur de vortex validé par Airbus  En bas : pièce d'étude de Lufthansa en 2005

Au haut : générateur de vortex validé par Airbus En bas : pièce d’étude de Lufthansa en 2005

Une vraie solution à portée de main

Alors, fantasme ou vraie solution à portée de main ? L’existence d’une solution technique pour réduire la trace sonore de l’A320 a finalement bien été développée par Airbus. Elle vient d’être mise en lumière par Lufthansa, lors d’une conférence de presse le 29 octobre 2013. Interrogée à ce sujet, la DGAC confirme l’intérêt du dispositif qui revient à fixer une pièce métallique devant les cavités, un générateur de vortex, petit déflecteur qui évite à l’air de s’engouffrer et d’entrer en résonance.

De l’aveu des professionnels du secteur, le dossier a été long à aboutir, mais, si la solution paraît simple aujourd’hui, les contraintes de mise en oeuvre s’imposent malgré tout, même aux plus impatients. Car toute modification sur aéronef, aussi mineure soit-elle, nécessite un « Service Bulletin » – une certification – délivré par l’avionneur et l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (AESA).
Les générateurs de vortex ont ainsi dû satisfaire à de multiples validations : impact en termes de comportement de l’avion en vol, effets sur l’usure de la structure, optimisation de la solution technique, mode opératoire relatif aux opérations de modernisation de la flotte existante…

Les compagnies aériennes prêtes à agir

Désormais, les compagnies aériennes et leurs prestataires de maintenance sont autorisés à installer les générateurs de vortex sur la famille A320, en toute sécurité et sans risque de perdre leurs certificats de navigabilité. Toutefois, puisque la sécurité aérienne n’est pas en jeu sur ce dossier, elles sont libres de le faire ou pas… la charge financière de la modernisation des flottes existantes leur revenant.
De source interne à la DGAC, si certaines compagnies communiquent déjà sur le sujet (Lufthansa vient d’annoncer un plan de modernisation de 157 Airbus de la famille A320 à partir de janvier 2014), les plus « discrètes » (NDLR : Air France) pensent bien mener le dossier à bonne fin.

Une solution simple et peu onéreuse

Le bénéfice attendu pour les populations survolées est une réduction du bruit particulier de 6 à 8 décibels (document de travail de Lufthansa)… ou une réduction de 2 décibels du bruit total de l’avion en phase d’approche (annonce officielle à la presse). Le coût annoncé par Lufthansa pour modifier les 157 appareils sera assurément inférieur à 9 millions d’euros et probablement de l’ordre de 5 à 6 millions.
Sans occulter les autres problématiques environnementales liées au transport aérien, le consensus autour de la modernisation des A320 pourrait bien mener les parties prenantes à une happy end… La vigilance constructive des associations environnementales reste de mise, mais les choses avancent.

Avis d’expert proposé par Sébastien Trollé, Directeur commercial des Éditions Cogiterra, auteur de l’ouvrage sur les nuisances aériennes « Les Poisons du Ciel ».


 

1- Plus de 5 500 appareils de la famille Airbus A320 sont en service dans le monde (Airbus)
2- Les plates-formes Paris-CDG et Paris-Orly ont enregistré 721 900 mouvements en 2012 (ADP)
3- Les Airbus A318-319-320-321 représentent 45,80% des mouvements à Paris-CDG (DSNA, 2009)
4- Les Airbus A318-319-320-321 représentent 60,15% des mouvements à Paris-Orly (DSNA, 2009)
5- Air France exploite 140 appareils de la gamme Airbus A318-319-320-321 (2012)
6- Lufthansa exploite 157 appareils de la gamme Airbus A319-320-321 (2013)
7- Easyjet exploite 194 appareils de la gamme Airbus A319-320 (2013)

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