08.07.2015 – Le Parisien


L’Advocnar accuse l’étude reprise par ADP de gonfler les chiffres en utilisant des données obsolètes, sans tenir compte du low-cost et du fret.

Quelque 80 millions de passagers à Roissy en 2020, contre 72 millions actuellement. Et à la clé la création de 32 000 emplois. Le groupe Aéroports de Paris affiche ses ambitions dans son nouveau contrat de régulation économique pour la période 2016-2020. Mais aurait-il gonflé ses chiffres en termes d’emplois pour faire approuver plus facilement le document, déjà validé par le conseil départemental du Val-d’Oise ? C’est ce que prétend l’Association de défense contre les nuisances aériennes, l’Advocnar. Lors d’une réunion qui s’est tenue ce mardi soir à Eaubonne à destination des élus du secteur, les militants se sont livrés à des savants calculs pour démonter point par point les données du groupe aéroportuaire.

La ministre de l’Ecologie saisie. « Nous avons démontré que le trafic aérien crée environ six fois moins d’emplois directs que le chiffre avancé par ADP », assure Patric Kruissel, vice-président de l’association. Une lettre a également été adressée au ministère de l’Ecologie pour demander un rapport contradictoire. Alors, que dénonce exactement l’Advocnar ?

ADP s’appuie sur une étude de 2012 contestée. Le contrat de régulation 2016-2020 se base sur une étude du BIPE (Bureau d’informations et de prévisions économiques), parue en 2012, pour annoncer que l’activité ADP, sur les trois aéroports parisiens de Roissy, Orly et du Bourget, est en moyenne à l’origine de 1 400 emplois directs et 4 100 emplois au total par million de passagers. Les prévisions du groupe aéroportuaire tablant sur un trafic qui passerait de 72 millions de passagers à 80 millions en 2020, soit huit millions de plus, 32 000 nouveaux emplois devraient ainsi être créés dans les cinq ans.

L’activité fret pas prise en compte. « C’est une manipulation, dénonce Patric Kruissel. On obtient le chiffre de 1 400 emplois à partir des 115 416 créés à Roissy depuis son ouverture, divisés par le nombre total de passagers. Mais dans ses calculs, le BIPE omet de comptabiliser le trafic fret, qui a généré 23 % de ces 115 416 emplois. Quand on inclut le trafic fret dans les calculs, le résultat tombe à 1 050 emplois par million d’unités de trafic (NDLR : passagers + fret). »

Des données qui ne seraient plus d’actualité. L’association dénonce ensuite le caractère obsolète d’une telle étude. « Ces dernières années, la création d’emplois a fortement ralenti, complète Françoise Brochot, présidente de l’Advocnar. Entre 1995 et 2010, le trafic a augmenté de 30 millions de passagers et de 1,5 million de tonnes de fret. Et selon ADP, 20 591 emplois ont été créés sur la période. D’après nos calculs, on obtient 460 emplois par million d’unités de trafic. On est loin des 1 400 ! »

Le low-cost crée moins de postes. C’est le dernier point mis en avant par l’Advocnar. « Dans les années qui viennent, c’est surtout ce modèle qui prendra une part de marché de plus en plus importante. Et là, la création d’emplois est également bien moindre, souligne Patric Kruissel. D’après une autre étude du BIPE de 2011, on voit qu’à l’aéroport de Beauvais (plus de 99 % de trafic low-cost), 3,677 millions de passagers ont engendré la création de 867 emplois directs, soit 236 emplois par million de passagers.»

Un défenseur d’Aéroports de Paris : «Ce qu’il faut regarder, c’est aussi la qualité des emplois»

Aéroports de Paris, en période de réserve à cause des négociations en cours autour du contrat régulation économique, n’a pas souhaité s’exprimer. Un observateur du secteur aérien, défenseur de la cause d’ADP, livre son avis : « Il est possible que les chiffres aient évolué depuis 2010-2011. Il s’agit d’une étude conséquente qui ne peut être menée chaque année. Ce qui est sûr, c’est que le low-cost va continuer à croître et impactera certainement la moyenne d’emplois créés. Aujourd’hui, ce secteur représente 15 à 20 % du trafic sur les trois aéroports franciliens. »

« Mais les chiffres de l’Advocnar sont contestables », poursuit-il. « Ce qui est certain, c’est que l’activité aéroportuaire demeure un moteur économique puissant, qui génère chaque année 30Mds € en valeur ajoutée. Pourquoi cela fonctionne toujours ? Parce que le trafic continue à croître : + 2,5 % par an en moyenne sur les aéroports franciliens. Le niveau de création d’emplois reste donc élevé, solide. Ce qu’il faut regarder, c’est aussi la qualité des emplois. » A Roissy, « 97 % des emplois sont des postes en CDI, c’est rare en France ! »

« D’autre part, 16,5 % des salariés ADP sont à temps partiel. C’est inférieur à la moyenne nationale qui est de 20 %. Enfin, la grande majorité des employés viennent du territoire. Les départements d’emprise de l’aéroport de Roissy (Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise et Seine-et-Marne) et l’Oise représentent près de 64 % de ses salariés. »

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