11.03.2020 – LE PARISIEN

Alors que les opposants sollicitent les candidats aux municipales sur le projet d’extension de Roissy, une association a été créée ce mardi pour réunir la centaine d’élus franciliens qui en demandent l’abandon.

Cette dernière ligne droite avant le premier tour des municipales s’accompagne d’un fort sentiment d’urgence parmi les adversaires à la construction du terminal T4, à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

« Tout va trop vite ! », s’exclame Eugénie Ponthier qui court contre le temps, entre les élections et le rythme soutenu imposé par le groupe ADP dans son projet d’extension. Maire adjointe sortante en charge de l’écologie à Epinay-sur-Seine, elle coordonne depuis la mi-novembre l’opposition des élus franciliens contre l’agrandissement de la plate-forme aéroportuaire.

« Une augmentation de 40 % du trafic aérien, 500 vols supplémentaires par jour et une hausse considérable des émissions de CO2 », voilà ce que redoutent les opposants. Le projet, évalué entre 7 et 9 milliards d’euros, serait aménagé entre 2021 et 2037.

Plus de 100 maires et présidents de collectivités refusent le projet

Ils sont plus de cent élus d’Ile-de-France à avoir signé, à ce jour, le courrier adressé en janvier à Emmanuel Macron, lui demandant l’abandon du T4. Eugénie Ponthier a créé ce mardi une association dans le but de les réunir. Les statuts ont été déposés à la préfecture du 93.

Sept villes ont déjà adhéré dont Epinay, Saint-Denis et Pierrefitte en Seine-Saint-Denis, où quinze des 40 maires sortants* ont signé la lettre envoyée au président de la République.

S’y ajoutent Stéphane Troussel, à la tête du département du 93, Gérard Cosme, du territoire Est Ensemble et Patrick Braouezec, le président (dont le dernier mandat s’achèvera avec les élections municipales) de Plaine commune.

En Seine-et-Marne, plusieurs élus ont également pris position. Comme Michel Bachmann (DVG), maire de Chauconin-Neufmontiers : « Je reçois régulièrement des plaintes d’habitants incommodés par le bruit ou la pollution des avions, assure-t-il. Le T4 ne pourra qu’engendrer des nuisances supplémentaires. Par ailleurs, le secteur autour de Roissy est déjà congestionné par la circulation automobile. Cette extension va renforcer le problème, même avec la future liaison Meaux-Roissy. »

La maire de Mitry-Mory, Charlotte Blandiot-Faride (PCF), ne figure en revanche pas parmi les signataires. « Avec l’intercommunalité, nous avons déjà pris une délibération pour demander des garanties en termes d’infrastructures accompagnant le futur T4 et pour protéger la santé de nos habitants. Nous attendons de voir le projet exact qui sera soumis à l’enquête publique, mais toutes les options restent pour le moment sur la table. »

Dans le Val-d’Oise, Armand Payet, candidat DVD à Cergy opposé au projet du T4, a « déjà voté une motion dans ce sens en tant que conseiller départemental » et compte en faire de même au conseil municipal s’il est élu maire. « L’extension se fait avec un accroissement du trafic aérien substantiel qui produira des nuisances importantes à proximité, alors qu’il n’y a aucune contrepartie économique. La proportion d’employés Val-d’Oisiens est très faible à ADP alors que ce sont eux qui sont impactés pas les nuisances. »

Même son de cloche du côté de Véronique Danet (FI), candidate à Goussainville, pour qui l’argument souvent employé par les défenseurs de l’emploi ne tient pas : « Le T4 va dans le sens de la privatisation d’ADP. Il n’y aura pas de créations d’emplois, seulement de la précarisation et Goussainville notamment sera impacté. »

Céline Villecourt, candidate (LR) à Saint-Prix et héritière désignée par le maire (DLF) Jean-Pierre Enjalbert, engagé depuis de nombreuses années dans la lutte contre les nuisances aériennes aux côtés de l’Advocnar, assure qu’elle « votera la délibération lors d’un des premiers conseils municipaux » en cas d’élection. « Le Val-d’Oise est très concerné par ce projet. On a été ignorés du Grand Paris, on espère que le sujet de la santé publique sera écouté. »

Menace de recours en justice

À l’image des démarches initiées par 15 associations le 18 février, certains élus réfléchissent aussi à saisir la justice. « On devrait d’abord réaliser un recours gracieux concernant le SCoT, le schéma de cohérence territoriale de Roissy-Pays de France », précise Eugénie Ponthier.

Ce document d’urbanisme prévoit la réalisation de l’extension du T4, « sans tenir compte de l’augmentation du trafic routier, des gaz à effet de serre et des nuisances aériennes », selon les opposants. Un document « conforme et validé », rappelle de son côté Roissy-Pays-de-France.

« L’engorgement routier créé par un aéroport toujours plus grand ne sera pas tenable, sans parler du bruit des avions », prévient également Jean-Marie Baty, de l’association MNLE 93, basée à Pantin.

Appel aux candidats à se positionner

Plusieurs organisations dont le collectif Non au T4 et l’ADVOCNAR, spécialisée dans la lutte contre les nuisances aériennes, viennent d’écrire à 250 candidats en lice aux élections municipales en Ile-de-France. Elles leur demandent « de s’engager contre l’extension de l’aéroport de Roissy » et de voter une motion en ce sens s’ils étaient élus. Les retours seront bientôt publiés en ligne par les militants.

Un report d’enquête publique en septembre peu probable

L’enquête publique autour du T4 est censée se dérouler à la fin du premier semestre. « Nous souhaitons qu’elle soit décalée en septembre pour permettre aux nouvelles équipes municipales de s’installer et laisser passer les vacances d’été », alerte Françoise Brochot, présidente de l’Advocnar. Sollicité en janvier, le préfet d’Ile-de-France a répondu aux associations le 4 mars. Selon lui, il ne semble « pas opportun » de reporter l’enquête. Il précise aussi qu’elle ne se tiendra pas non plus pendant les deux mois d’été.

Les anti-T4 à la marche pour le climat du 14 mars

Un cortège dans le cortège : les citoyens et militants des associations franciliennes défileront ensemble derrière une grande banderole, lors de la manifestation en faveur du climat, samedi 14 mars, à Paris. « L’objectif est aussi de mettre en avant les combats locaux », précise Audrey Boehly, du collectif Non au T4. Une marche à laquelle participera Greta Thunberg.

*Aubervilliers, Bagnolet, Bondy, Epinay-sur-Seine, La Courneuve, Les Lilas, L’Ile-Saint-Denis, Pantin, Pavillons-sous-Bois, Pierrefitte, Saint-Denis, Sevran, Stains, Tremblay-en-France, Villetaneuse.

Un appel d’offres déjà lancé par ADP « pour gagner du temps » !

Alors qu’il n’a pas encore obtenu les autorisations de construction du gigantesque terminal T4, le groupe ADP a d’ores et déjà lancé une première consultation de marché ! L’avis d’appel à la concurrence qui se finit le 13 mars concerne l’aménagement d’une route de service pour connecter l’est du projet de terminal T4 au réseau de l’aéroport, ainsi que la réalisation d’une galerie technique qui reliera le bâtiment à la future centrale thermo-frigo-électrique.

L’explication ? « Le planning de réalisation d’ouvrages sous des voies aéronautiques est assez contraint par l’exploitation aéroportuaire », précise le groupe ADP. « Afin de gagner du temps, nous avons engagé, à nos risques, la phase d’étude et de consultation des entreprises, ajoute l’exploitant. Aucuns travaux n’auront lieu avant une autorisation. »

C.G.

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