Toulouse le 24 avril 2020

DÉCLARATION DES RIVERAINS D’AÉRODROMES
ET DES POPULATIONS SURVOLÉES
A l’ATTENTION DES DÉCIDEURS

APRES LA PANDEMIE, IL FAUT REPENSER LE TRANSPORT AERIEN !

Dans le développement multilatéral mondial de ces 50 dernières années, le transport aérien a été l’un des acteurs pour créer de nouveaux liens entre les hommes, les Etats, permettant un certain développement économique. Mais il a un double revers. En premier lieu, le transport aérien contribue au réchauffement climatique dans des proportions très importantes, de 5 à 8 % au niveau mondial. Cette proportion ne peut que croître dans les années à venir, car, contrairement aux autres secteurs, le secteur aérien n’a pas de véritable plan de réduction de ses émissions pour les 15 prochaines années et table ensuite sur des technologies qui n’existent pas encore ! En second lieu, les populations survolées près des aéroports subissent des pollutions sonores et atmosphériques qui portent gravement atteinte à leur santé, provoquant chaque année des dizaines de milliers de décès prématurés, comme le reconnaît la Commission Européenne. Au-delà de l’impact propre au transport aérien, il y a également les conséquences indirectes telles le tourisme de masse qui contribue à détruire l’environnement.

Et le Covid-19 est arrivé, il s’est diffusé vite, en avion souvent. Nous sommes confrontés à une crise sanitaire, économique, existentielle, sans équivalent dans le passé.

Comme la plupart des autres activités économiques, l’aviation va considérablement souffrir de la situation actuelle et ses émissaires frappent déjà aux portes de l’ONU, des gouvernements et de l’Union Européenne et demandent des aides, des exonérations et autres soutiens financiers pour faciliter la reprise.
Nous sommes à un moment historique où nos choix et ceux de nos gouvernements vont conditionner notre survie sur terre. L’époque se prête au changement de paradigme ; l’écologie, la protection de l’environnement, de la santé et de la planète sont au coeur des décisions à prendre.
Le contrôle des impacts environnementaux liés au transport aérien passe par deux engagements essentiels au coeur du Green Deal européen : le respect de l’Accord de Paris et la réduction des pollutions sonores et atmosphériques.

I. Le respect de l’Accord de Paris implique la réduction significative de la contribution au réchauffement climatique

L’Europe et ses Etats membres ne doivent plus soutenir une activité incapable de mettre en place une stratégie à court terme de réduction de l’ensemble de ses émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, et autres émissions contribuant au réchauffement climatique). La compensation des émissions carbonées et l’achat de droits à polluer sont des leurres inacceptables qui montrent les limites d’un système qui ne s’est pas engagé dans la réduction des émissions.

En conséquence les associations demandent :

  • la taxation du carburant au même niveau que les carburants automobiles
  • un prix de billet réaliste incluant l’impact environnemental, estimé par la Commission Européenne à 33 milliards d’euros par an pour les 33 principaux aéroports européens
  • la renonciation aux projets d’extension d’aérodromes, de construction de nouvelles pistes ou de terminaux supplémentaires
  • la promotion des déplacements en train (TGV et train de nuit) à courte et moyenne distance pour réduire le nombre de vols.

II. La réduction des pollutions sonores et atmosphériques à proximité des aérodromes implique une obligation de résultat

Pour la pollution sonore : au niveau européen, le bruit est encadré par une directive et un règlement mais sans aucun objectif pour les Etats membres. L’industrie prévoit bien dans le programme ACARE des possibilités de réduction … sans cesse repoussées.

En conséquence, les associations demandent :

  • l’adjonction aux indices de mesure du bruit utilisés aujourd’hui d’un indice évènementiel basé sur la répétitivité de l’émergence du bruit aérien,
  • des objectifs de réduction de bruit chiffrés et contraignants pour tous types d’aéronefs,
  • la suppression progressive des vols de nuit, qui portent gravement atteinte à la santé,
  • l’interdiction des avions les plus bruyants,
  • la limitation du nombre des mouvements pour tous types d’aéronefs.

Pour les émissions atmosphériques, l’Europe a certes adopté des valeurs limites, mais la France a fait passer dans la loi de transition énergétique du 17 août 2015 l’article 45, dont les modalités ont été précisées par décret du 10 mai 2016 ; cet article permet d’une part de ne pas prendre en compte les émissions en vol du cycle « LTO » (atterrissages et décollages sous l’altitude de 915 mètres), et d’autre part de retenir un indice fallacieux soit les émissions en intensité (ramenées au nombre de passagers+fret) et non en valeur absolue. Ce choix scandaleux que les associations dénoncent depuis cette date permet de mettre en avant des réductions d’émissions alors que ces dernières ont en fait augmenté. D’ailleurs, en 2018 l’ADEME, dans son rapport valide nos déclarations et formule des propositions.

En conséquence, les associations demandent la modification de l’article 45 de la loi de transition énergétique de manière à ce que

  • soient prises en compte des opérations au sol incluant également les approches et départs des aéronefs, soit le cycle « LTO » (atterrissages et décollages sous l’altitude de 915 mètres
  • soient suivies les émissions globales réelles et non pas leur intensité
Les riverains d’aérodromes et les populations survolées exigent de mettre l’environnement et la santé au centre des préoccupations. Si le transport aérien compte s’exonérer de ces urgences sanitaires et environnementales, il hypothèque notre avenir proche et celui de nos enfants en finançant inconsidérément un retour à la période d’avant la pandémie.

Chantal Beer-Demander, présidente de l’UFCNA

Avec le soutien de:
Dominique Lazarski, Présidente de l’UECNA
Eric Lombard, Coordinateur France de STAY GROUNDED

Lire la déclaration de l’UFCNA