Vols de nuit et nuisances aériennes

Roissy CDG et les vols de nuit

Roissy CDG est le numéro un en Europe pour les mouvements d’avions la nuit et de très loin.

L’ADVOCNAR a donné la priorité depuis très longtemps à la réduction des nuisances aériennes la nuit. Au-delà de la gêne ressentie et des conséquences néfastes de la perturbation du sommeil sur les comportements diurnes, le stress, les risques psychiques, nous disposons maintenant d’études européennes convergentes qui montrent une atteinte réelle à la santé et notamment un accroissement de l’hypertension artérielle avec ses conséquences sur l’infarctus du myocarde et les AVC.

Le sujet est très sérieux. Pourtant les pouvoirs publics poursuivent leur politique du laisser-faire. Nous sommes confrontés au syndrome du « Médiator » : un lobby très puissant, les pouvoirs publics qui ne jouent pas leur rôle d’arbitre équitable avec, à la clé, le risque d’un désastre sanitaire…. (prévoir un lien sur l’extrait vols de nuit du document impact sanitaire du bruit)

Les vols de nuit sont au cœur des revendications des associations.

Le sujet fait l’objet de groupe de travail ou de commission depuis trois ans ! Une commission  a été conduite sous l’égide de l’ACNUSA en 2011. Elle a eu le mérite de montrer clairement que les concurrents directs de Roissy CDG ont pris des mesures strictes de réduction des vols de nuit. La dernière en date est l’établissement d’un couvre-feu depuis le 1er novembre 2011 de 23h à 5h sur l’aéroport de Francfort, ce qui n’a pas empêché Francfort de se développer, et même de dépasser Roissy CdG en volume de fret.

La dernière commission en date sur ce problème épineux a été mise en place par le préfet de région, sous la pression de l’ADVOCNAR. Cette commission a travaillé à « droits constants ». Autant dire que les acquis obtenus ne sont pas à la hauteur de l’enjeu sanitaire que constituent les vols de nuit.

Face au blocage systématique des pouvoirs publics concernant un couvre-feu à Roissy CDG – On refuse de fermer Roissy CdG la nuit donc on ne fait rien ! – les associations ont décidé de prendre une position de compromis prenant en compte l’équilibre entre les intérêts économiques d’une part et la qualité de vie et la santé des populations survolées d’autre part.

Les associations FNE et UFCNA ont donc demandé le plafonnement de Roissy CDG au niveau moyen de ses principaux concurrents européens, Londres Heathrow, Amsterdam Schiphol et Francfort ce qui correspond à une division par deux du nombre de mouvements sur la nuit (22h – 6h). Le couvre-feu de huit heures restant évidemment l’objectif à terme.

Des mesures équivalentes, adaptées aux situations locales, devront être prises sur les autres aéroports français.

La commission Vols de nuit sous l’égide de l’ACNUSA

Le président de la commission « Vols de nuit » sous l’égide de l’ACNUSA a publié son rapport d’étape et annexes, fin juin 2012, consistant à faire un état des lieux des nuisances nocturnes des principales plates-formes françaises et d’établir pour celle qui concentre à elle seule la moitié des vols de nuit, Roissy CDG, une comparaison à l’échelle européenne avec ses principaux concurrents (Heathrow, Francfort et Schiphol).

L’ACNUSA s’est engagé à des propositions pour la suite, au ministre concerné, avant la fin de 2012.

Pourquoi cette commission ?

En fait, elle fait suite à un groupe de travail « Vols de nuit à Roissy CDG » établi en 2010, dans le cadre de la CCE de Roissy CDG. Pour éviter que le sujet ne soit enterré, comme le souhaitaient les professionnels du transport aérien et la DGAC, l’ACNUSA a accepté de reprendre le sujet à son compte en envisageant la problématique « vols de nuit » au niveau national.

Cette commission a fonctionné avec trois collèges : les professionnels du transport aérien, les élus, les associations. Le collège association a été constitué par l’UFCNA (Union Française contre les Nuisances des Aéronefs), pour laquelle l’ADVOCNAR était en première ligne et FNE (France Nature Environnement) qui est le plus grand regroupement national (près de 3000 associations) sur les questions d’environnement.

Voir la Contribution UFCNA – FNE à la commission.

Cette commission a au moins permis d’établir le constat de l’existant sur les principales plates-formes françaises mais aussi, concernant les trois principaux concurrents de Roissy CDG. Le résultat n’a malheureusement pas dépassé ce constat.

Les professionnels ont, en effet, tout fait pour éviter que le problème – comment réduire les nuisances aériennes la nuit et leurs conséquences sanitaires et sociales – ne soit réellement posé. Un problème bien posé est à moitié résolu comme dit l’adage ! Il suffit ensuite de décrire les éléments de la boîte à outils ; élimination des avions les plus bruyants, mesures opérationnelles, choix des trajectoires et évidemment la réduction du nombre de mouvements pour rechercher la meilleure combinaison possible aux services de l’intérêt du plus grand nombre.

L’UFCNA, comme l’ADVOCNAR, défend une position raisonnable de recherche d’un équilibre entre les intérêts économiques d’une part et la protection de la qualité de vie la santé des populations survolées de l’autre, c’est-à-dire appliquer les mesures qui ont prouvé, ailleurs, leur efficacité.

Pourquoi prioritairement s’attaquer aux nuisances nocturnes ?

◦ Les études épidémiologiques le confirment ; le bruit des avions perturbe le sommeil des riverains et porte atteinte gravement à leur santé, avec associé, un coût sanitaire important.
◦ Le bruit ambiant étant plus faible la nuit et les avions opérant la nuit étant plus bruyants, car plus anciens et plus gros, l’émergence de bruit atteint des seuils insupportables.
◦ La nuit, les populations sont généralement regroupées dans leur foyer, donc l’impact sanitaire est maximum.

Synthèse du constat

En dépit des différentes restrictions mises en place par les pouvoirs publics pour contenir les nuisances nocturnes, les vols de nuit ont continué leur progression à un rythme légèrement supérieur à la croissance globale du trafic, ce qui souligne l’insuffisance de ces restrictions dénoncée par les associations depuis de nombreuses années.

La nuit, c’est 8 heures consécutives conformément aux préconisations de l’OMS et de l’Union Européenne. Les restrictions mises en place sur le cœur de nuit (0h – 5h, notamment l’arrêté du 17 octobre 2002 sur Roissy CDG), période pour laquelle les associations n’avaient strictement rien demandé, ont eu l’effet très pervers de reporter les vols sur les franges de la nuit. Alain Muzet est venu expliquer en commission que ces périodes d’endormissement et de réveil étaient les plus sensibles aux troubles du sommeil, celles précisément qui concentrent les taux de croissance les plus élevés. La tranche 5h-6h est à ce titre très caractéristique de cette concentration puisque le nombre de mouvements de ce créneau horaire a doublé en moins de 10 ans.

A la concentration horaire, s’ajoute la concentration géographique, puisque l’Ile-de-France centralise 60 % du trafic national et 58 % des vols de nuit. Roissy CDG concentre l’essentiel de ce trafic, Orly bénéficiant d’un couvre-feu de 23h30 à 6h. Dans cette région dix fois plus peuplée que les autres régions françaises, le flux de trafic aérien participe aux pollutions sonore et atmosphérique déjà très importantes, attestées par les fréquents pics de pollution.

Concernant les avions bruyants, pendant la nuit, les compagnies aériennes exploitent des aéronefs dont les catégories acoustiques ne sont pas les meilleures ! Et contrairement à ce que prétend le collège des professionnels, ce n’est pas les récentes restrictions mises en place pour éliminer les avions les plus bruyants sur la période 22h – 6h qui auront une influence puisque la part de flotte visée par l’arrêté du 20 septembre 2011 pour Roissy CDG  est inférieure à 1 % du trafic sur la période en 2011. La réglementation n’induit pas le changement, elle l’entérine ! Les opérateurs dictent à l’Etat les restrictions qu’ils consentent à accepter !

Il est affligeant de constater, que la France, encore une fois, est en retard sur les pratiques de nos voisins européens.

Les associations ont rappelé (voir la contribution UFCNA – FNE ) avec de nombreuses études internationales à l’appui, l’impact sanitaire des vols de nuit, notamment sur l’hypertension artérielle et ses conséquences ; AVC et infarctus de myocarde. Cet impact sanitaire augmente avec le nombre de mouvements, augmente avec le niveau sonore de chaque mouvement et augmente aussi avec le nombre de personnes subissant ces nuisances. Nous avons donc insisté pour avoir une comparaison des différentes plates-formes. Le nombre de personnes survolées, voire mieux le nombre de personnes soumises à tel niveau de bruit aurait été un bon indicateur de la population. Nous savons tous que le nombre de personnes gênées est bien supérieur aux personnes habitant dans le périmètre du Plan de Gêne Sonore, mais comme ce chiffre est le seul élément de comparaison disponible, nous le retenons comme tel. Cette approche a été rejetée par les professionnelle, trop éclairante sans doute car elle confirme que le maximum de nuisances en France est concentré sur la région très densément peuplée de l’Ile-de-France.

Enfin, la DGAC a présenté des prévisions de croissance du trafic aérien, très faibles à horizon 2030, alors que toutes les instances internationales – IATA, Constructeurs, Eurocontrol, Commission européenne… – annoncent un doublement . La DGAC limite ses prévisions de croissance en mouvements à 18.5% pour Roissy CDG et Orly et un peu plus pour les autres plateformes françaises ! C’est un bel exercice de jonglerie pour rester dans les prévisions ayant permis l’instauration des Plans d’Exposition au Bruit et surtout pour justifier de ne rien faire ! Depuis la DGAC refuse de transmettre sa présentation. Secret défense ?

L’approche équilibrée de l’OACI est mis en avant par les professionnels ! Formule fallacieuse de communication ! La majorité pense que cela fait référence au développement durable, équilibre entre les intérêts économiques sociaux et environnementaux. Mais pas du tout, cette approche équilibrée ne prend en compte que les intérêts des professionnels : réduire le bruit mais au coût minimum, en envisageant des restrictions qu’en tout dernier ressort !

Comparaisons internationales

L’introduction du rapport du président Jean Rebuffel précise : « La ministre s’est montrée tout particulièrement intéressée par les comparaisons internationales, base indispensable pour envisager l’établissement de règles minimales en Europe. » Et le rapport conclut que nous devons poursuivre notre réflexion dans un cadre européen, en tenant compte des contextes propres à chacune des plates-formes.

Quelques chiffres : Comparaison Roissy CDG et ses principaux concurrents

2010 Heathrow Francfort Roissy CDG Schiphol
Passagers (000) 65884 53009 58167 45212
Fret + mail (000T) 1551 2275 2399 1538
Mouvements 454883 464432 499997 402372

ACI Traffic data : World airport ranking

Vols sur 8 heures de nuit
Mouvements/an 27375 40515 61255 28096
% mvts totaux 6.02 8.72 12.25 6.98

 

 

Source DGAC, Gestionnaires

Vols sur 8 heures de nuit, estimation 2012
Mouvements/an 28000 32000 62000 31000

(1)                         (2)

(1) Nouvelle restriction à Francfort depuis le 21 octobre 2011 introduisant un couvre-feu de 23h à 5h. Confirmation par la haute cour de Leipzig le 4 avril 2012.

(2) Limitation la nuit des mouvements annuels jusqu’en 2020 à 32000, puis réduction à 32000 pour l’ensemble des aéroports des Pays Bas.

Dans le rapport, impossible de faire figurer ce tableau et d’obtenir une rédaction directe et claire, pourtant la conclusion est sans appel : Nos voisins européens ont pris des mesures significatives pour réduire les vols de nuit.

Les vols de nuit ont donc été restreints sur les trois plates-formes en concurrence avec Roissy CDG, ce qui soulève quelques interrogations :

·         Les pouvoirs publics qui ont décidé, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne de réduire les vols de nuit se sont-ils laissés à ce point égarer par le puissant lobby des riverains ?

·         Ont-ils négligé à ce point les intérêts économiques des compagnies nationales ? Et plus généralement l’intérêt économique de la région voire même de la nation ?

Ou bien ont-ils simplement décidé de prendre en compte les effets sanitaires des vols de nuit et leurs conséquences économiques et sociales ?

Même s’il est toujours difficile d’expliquer après coup les fondements d’une décision politique, il est indéniable que les trois cas qui nous intéressent reflètent un compromis entre les différents intérêts pour arriver à un équilibre entre développement économique, protection de la santé et de la qualité de vie des populations survolées.

Les plates-formes concurrentes ont optimisé tous les outils de réduction des nuisances, ce qui n’a pas été fait sur Roissy CDG. Seule la restriction du nombre de mouvements est véritablement efficace. La comparaison des quatre principaux aéroports européens (Heathrow, Francfort, Schiphol et Roissy CDG) s’est révélée pleine d’enseignements à plus d’un titre :

·         Le nombre de mouvements nocturnes sur la période de 8 heures de nuit est l’élément le plus révélateur. En effet, Roissy CDG se situe environ à un niveau double de ses concurrents étrangers, ce qui constitue une distorsion de concurrence que ne manquent pas de noter les compagnies basées des 3 autres plates-formes.

·         les 3 plates-formes concurrentes ont des restrictions sur le niveau acoustique des avions bruyants plus sévères que celles en place à CDG. Par exemple, à Francfort, seuls les aéronefs répondant aux normes du chapitre 4 sont autorisés la nuit.

·         les 3 plates-formes concurrentes ont utilisé tous les outils opérationnels de réduction des nuisances sonores. Pistes et configurations préférentielles, descentes continues, opérations vent arrière.

·         Partout le critère de densité de population, et donc de l’intérêt général, est retenu naturellement. On ne cherche pas à opposer un groupe contre un autre pour justifier de ne rien faire.

·         A Francfort, les redevances nocturnes peuvent atteindre 50 000 euros. La TNSA sur Roissy CDG ne dépasse pas 10 000 euros pour un décollage de nuit d’un avion très bruyant. Le montant moyen des amendes infligées par l’ACNUSA pour une infraction à ces restrictions est d’environ 7 000 euros.

·         A Schiphol, le fonds des redevances récoltées permet le rachat des habitations les plus exposées. Le niveau en France ne permet pas la mise en place d’une telle politique. Toujours à Schiphol, les remboursements des dépenses d’isolation phonique sont opérationnelles jusqu’au niveau de Lden 48 dB(A), alors qu’ils sont limités au Lden 55 dB(A) en France.

Roissy CDG est derrière, loin derrière alors, les professionnels se sont opposés à ce que figure une comparaison directe ! (Roissy CdG est même derrière Toulouse et Nice pour ce qui concerne la restriction d’avions bruyants).

Enfin il faut noter que les compagnies se sont adaptées aux nouvelles réglementations, et leur situation financière ne s’en trouve pas affectée outre mesure. Il n’y a pas de corrélation entre restrictions la nuit et résultat économique pour les compagnies basées.

L’adaptation économique et opérationnelle des opérateurs

La capacité d’adaptation des opérateurs sur les plates-formes ayant subi des restrictions et en particulier des restrictions sur le nombre de créneaux disponibles la nuit est un élément intéressant de benchmarking. Il conviendra de l’étudier précisément. Cependant en mettant en correspondance les résultats économiques des principales compagnies basées et les limitations des vols de nuit sur l’aéroport, on ne peut en aucun cas conclure à une corrélation directe, négative entre résultats économiques et contraintes sur les vols de nuit.

Quant à l’emploi, ils constituent l’argument unique des professionnels. Tous les excès sont permis. Or, le transfert de mouvements sur d’autres aéroports, sur d’autres modes de transport, à d’autres horaires n’auront aucun effet sur l’emploi. Des chiffres fantaisistes sont produits sans aucun contrôle des pouvoirs publics. (faire un lien sur cette page https://www.advocnar.frsites/resources/files/Evenements/Evenements-2015/adp-imposture-des-emplois.pdf). Ce jour ce lien ne fonctionne pas

L’ADVOCNAR est revenue en  2012 sur ces questions avec l’appui d’un consultant néerlandais reconnu pour sa compétence en matière d’environnement et d’économie. (faire un lien https://www.advocnar.fr/wp-content/uploads/2016/05/CE_Delft_7621_Restrictions_Vols_Nocturnes_FINAL.pdf)

Que demandent les associations ?

L’idéal pour les populations survolées serait un couvre-feu de 8 heures sur les principales plates-formes situées en zone urbanisée. Les professionnels agissent avec force pour éviter toutes contraintes. Entre le couvre-feu strict de 8 heures et la situation actuelle, il existe une multitude de positions du curseur « réduction des nuisances ».

Les associations ont recherché et décidé de proposer une solution acceptable par tous, celle d’aligner le niveau de mouvements nocturnes sur 8 heures de Roissy CDG sur la moyenne de ses trois concurrents européens principaux. Cela correspond approximativement à une division par deux du nombre des mouvements. Dans ce cadre très strict, les compagnies pourront librement s’organiser pour la répartition des vols passagers, express, cargos.

Cette proposition est étayée par plusieurs arguments :

·         En réduisant fortement les mouvements nocturnes, nous réduisons leur impact sanitaire et les coûts externes inhérents.

·         Mettre fin aux distorsions de concurrence entre les principaux aéroports.

·         La France peut réussir ce que nos voisins européens sont parvenus à imposer.

·         En complément de cette proposition, les associations demandent

·         Une réduction équivalente des mouvements nocturnes sur les principaux aéroports situés en site urbanisé.

·         Renforcer les incitations financières vers le renouvellement des flottes.

·         Un couvre-feu sur les aéroports dont le nombre de mouvements nocturnes entre 22h et 6h est inférieur à un certain seuil (20 à 25 vols par nuit). Plus le nombre de vols est restreint, moins les contraintes pour les compagnies sont élevées.

·         La mise en place de procédures opérationnelles permettant de limiter le nombre de personnes survolées.

En conclusion, les représentants des populations survolées attendent des pouvoirs publics qu’ils jouent le rôle d’arbitre équitable entre les intérêts économiques du transport aérien et la protection de la qualité de vie et de la santé des citoyens concernés. Le lobby aérien est très puissant, les pouvoirs publics doivent donc être particulièrement attentifs à la prise en compte des intérêts de la partie prenante la plus faible

Les associations, l’ADVOCNAR est en première ligne, demandent la poursuite des travaux de la commission Vols de nuit sous l’égide de l’ACNUSA, en tenant compte des comparaisons européennes, puisque c’est la France qui est en retard sur ses voisins européens en termes de restriction des vols de nuit.