Le Grenelle a-t-il pris en compte les nuisances sonores ?

25.06.2008 – Le Journal de l’Environnement

Bruit: «On est dans un système pollué-payeur»

Dominique Bidou est président du Centre d’information et de documentation sur le bruit (CIDB). Il a présidé le comité opérationnel en charge du bruit dans le cadre du Grenelle de l’environnement, et revient ici sur les principales questions discutées à cette occasion.

Les nuisances sonores ont-elles été suffisamment prises en compte lors du Grenelle?

Elles ont été traitées marginalement, le Grenelle ayant surtout abordé des questions d’ordre planétaire. Personnellement, je pense qu’on ne peut pas séparer les questions planétaires des problèmes de vie quotidienne, et qu’il faut travailler sur les deux niveaux en même temps. Pouvoir dormir convenablement est un véritable droit, et certains éléments du projet de loi Grenelle I commencent à le reconnaître. Si on extrapole le rapport Boiteux et différentes études européennes aux coûts environnementaux, le bruit des transports en France coûte entre 5 et 10 milliards d’euros par an, en santé, absentéisme, dépréciation de la valeur de biens immobiliers, etc. C’est une taxe de fait payée par les pollués. Face à ces enjeux, l’objectif de dégager 450 millions d’€ pour la lutte contre le bruit lié aux infrastructures routières, ferroviaires et aériennes reste bien modeste.

Que proposez-vous dans ce domaine?

Soit la puissance publique introduit ce coût dans le cadre des impôts, soit on met en œuvre le principe pollueur-payeur, qui existe déjà dans le secteur aérien. Pour le bruit, il faut des instruments financiers comme pour l’eau et les déchets. Actuellement, on est dans un système pollué-payeur. Mais cela n’a de sens que si on se donne les moyens d’avoir un système européen. Dans un premier temps, l’Etat pourrait donc mettre en place des instruments grossiers, par exemple augmenter d’un petit pourcentage la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) pour financer les travaux à faire concernant les habitations le long des routes.

Le traitement des dossiers d’amélioration acoustique des logements soumis au bruit doit être accéléré. Que pensez-vous des dispositions prévues à cet effet?

La commande de l’Etat concerne notamment les points noirs du bruit. Comment utiliser au mieux l’argent destiné à les résorber? Alors qu’il existe aujourd’hui une forte pression concernant l’isolation thermique des bâtiments existants, il faudrait essayer de la traiter de façon conjointe avec l’amélioration acoustique. On pourrait ainsi profiter d’un grand programme de travaux, et mener des chantiers sur des périmètres assez larges pour mobiliser une maîtrise d’œuvre technique pluridisciplinaire. La lutte contre le bruit est souvent émiettée en de nombreuses interventions ponctuelles. Cela irait beaucoup plus vite, et cela coûterait beaucoup moins cher si les opérations étaient groupées sur un territoire donné.

L’isolation thermique induit-elle forcément des améliorations acoustiques?

Un traitement thermique ne résorbe pas forcément les problèmes de bruit, qui peuvent au contraire être aggravés à l’intérieur de l’habitation. A contrario, une isolation acoustique a un effet thermique, mais faible par rapport à l’objectif du facteur 4 (1). Nous insistons donc pour que soit ciblé le 1% de logements du parc existant considérés comme points noirs du bruit, ce qui permettrait de régler à la fois le problème de l’énergie et celui du bruit. Techniquement, on est capable de réaliser des opérations combinées.

Finalement, le Grenelle ne propose pas de mesures de prévention du bruit à la source?

C’est pourtant la réduction du bruit à la source qui compte. On peut par exemple, en changeant les roues, atténuer les nuisances créées par des convois ferroviaires comportant de vieux wagons. Le problème est que cela coûte cher, qu’il faut des capacités industrielles, et que les gens gênés par le bruit ne peuvent pas attendre le délai nécessaire pour renouveler les flottes. Alors qu’un écran antibruit peut être installé tout de suite… Cependant, il n’y a pas d’obligation dans ce domaine, et ce ne peut pas être une mesure franco-française.

C’est donc à une échelle plus globale que la lutte à la source doit être mise en œuvre?

Oui, une réflexion est amorcée à ce sujet au niveau européen. Il faudrait pouvoir classer les wagons par niveaux de bruit, comme c’est déjà le cas pour les avions, et interdire aux wagons les plus bruyants de circuler la nuit. On pourrait donner des primes à ceux qui font des efforts pour réduire le bruit de leurs trains. En France, il serait par exemple intéressant que les utilisateurs du réseau ferroviaire versent une redevance à Réseau ferré de France (RFF) qui soit modulée en fonction du bruit émis.

L’augmentation du trafic aérien, en particulier à Roissy, n’annule-t-elle pas l’effet des mesures annoncées par le gouvernement pour réduire les nuisances sonores autour des aéroports?

L’augmentation du prix du pétrole va peut-être mettre fin à la progression du trafic aérien. Mais il est plus intéressant de regarder le nombre de décibels que le nombre de passagers. Si un gros porteur faisait le trajet Paris-Toulouse toutes les heures au lieu d’un avion plus petit tous les quarts d’heure, cela génèrerait moins de bruit, et moins d’énergie serait consommée. C’est une affaire de régulation autant que de technique.

(1) Le facteur 4 vise à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, notamment à travers l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments


Le commentaire de l’ADVOCNAR
Dominique BIDOU explique que nous sommes dans un système pollué-payeur et préconise l’augmentation de la TIPP (principe pollueur-payeur). Dans le domaine de l’aérien, la TIPP n’existe pas, le kérosène n’est pas taxé. Le riverain subit les nuisances et le pollueur continue son développement.

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