10.12.2022 – RTL

Emission RTL C’est Notre Planète avec Jean-Marc Jancovici

Animateur :

L’aérien du futur en version hydrogène ou pourquoi pas électrique, pourquoi pas, pour imaginer voler encore et toujours, si nous avons notamment moins de pétrole ?

JMJ :

Effectivement, du pétrole, on ne va pas en avoir plus du tout demain matin, mais il est probablement écrit aujourd’hui dans l’avenir de la production pétrolière que la production va décliner, même si on ne se préoccupe pas de climat… tout simplement parce qu’il faut 50 à 400 millions d’années pour faire du pétrole et donc on ne peut pas en avoir éternellement de plus en plus. On ne peut même pas en avoir la même quantité éternellement chaque année.

On réfléchit donc à des alternatives depuis longtemps pour essayer de faire voler les avions avec autre chose que du pétrole.

Alors d’abord, il faut savoir qu’on peut les faire voler avec du charbon, ça crache plein de CO2, ce n’est pas du tout une bonne idée pour le climat. La deuxième chose qu’on peut imaginer, c’est utiliser un autre carburant, alors on parle de biocarburants, par exemple.

Les gens du secteur aérien parlent de carburant « durable », ou bien de l’hydrogène, ou bien des batteries. Les batteries, on va tout de suite oublier pour l’essentiel des avions parce que la raison pour laquelle le pétrole s’est imposé dans l’aérien, c’est qu’il est extrêmement dense par unité de volume et extrêmement dense par unité de poids. Dans un kg de pétrole, vous avez 12 KW/h d’énergie, dans 1 kg de batterie, vous avez 0,2 kgW/h d’énergie, donc on voit bien qu’il faudrait 20 fois le poids du kérosène, qui fait déjà le tiers ou la moitié du poids d’un avion, pour que ça décolle, donc ça ne va pas bien marcher sur les longues distances.

Les autres alternatives, donc l’hydrogène, il faudrait en produire beaucoup, beaucoup et même beaucoup trop pour faire voler tous les avions.

Si je prends les avions qui décollent de France, si je voulais tous les passer à l’hydrogène, il faudrait que j’y consacre 25 % de la production électrique française. Donc on n’est pas en train de parler de quelque chose d’anecdotique et si on veut utiliser des agro-carburants ou des biocarburants, c’est pareil, il faut des surfaces importantes. Et ces mêmes surfaces, on va en avoir besoin à l’avenir, pour une agriculture qui va souffrir du réchauffement climatique, donc on va avoir toujours besoin des surfaces, pour préserver la biodiversité en ne faisant rien pousser dessus pour nos besoins, pour faire du bois pour la construction, pour faire des matériaux pour autre chose, des fibres par exemple, du lin, du chanvre, etc.

Quand on regarde toutes les surfaces qu’on peut avoir pour tous les usages qu’on peut avoir, on ne peut pas tout donner à l’avion et rien au reste, ça ne marchera pas. Donc quand on regarde toutes les alternatives qu’il y a pour faire voler des avions avec autre chose que du pétrole, elles sont toujours en quantités assez limitées quand on fait les calculs et j’ai coutume de dire que l’aviation de masse est née avec le pétrole et il est malheureusement assez peu probable qu’elle survive au pétrole.

Animateur :

Une fois qu’on a fait ce constat, JM Jancovici, ça veut dire quoi, qu’il faudra moins prendre l’avion à l’avenir ?

JMJ :

C’est un bon résumé, alors plus exactement de moins en moins. Au Shift Project, on a fait il y a 1 an un gros travail sur l’aérien en collaboration avec des acteurs de l’aérien, donc on a fait plancher beaucoup d’ingénieurs qui viennent de cet univers-là et on a regardé ce qu’on pouvait espérer au mieux comme évolution du trafic, même en incorporant tous les progrès qu’on fait sur les moteurs d’avions, le passage à l’hydrogène etc.

Le résultat est quand même que si on veut que l’aérien joue sa part dans la baisse mondiale des émissions de gaz à effet de serre ou tout simplement qu’il réagisse à la baisse du pétrole qui est annoncée, eh bien, il va falloir et en fait nous allons avoir un trafic aérien qui va baisser d’1 ou 2 ou 3 % par an tous les ans. C’est comme ça que ça va évoluer, alors, ça ne sera pas nécessairement un drame, mais oui, ça veut dire qu’il va y avoir progressivement de moins en moins d’avions.

(Transcription littérale réalisée par l’ADVOCNAR)

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