17.06.2023 – Le Journal du Dimanche

Avant l’ouverture du Salon international aéronautique du Bourget, 15 associations environnementales appellent à « voir la réalité en face » et à réduire le trafic aérien pour conserver une chance de contenir le réchauffement climatique.
VOICI LEUR TRIBUNE :

« Le 19 juin s’ouvrira le salon du Bourget 2023. De quoi sera-t-il question pendant cette semaine consacrée au secteur aéronautique ? De soutien au développement de nouvelles technologies et de carburants alternatifs, assurément. De la nécessaire réduction du trafic aérien pour préserver le climat et la santé des riverains, probablement pas. Elle est pourtant incontournable. 

Les chiffres du trafic aérien ne sont pas encore revenus à ceux de l’avant pandémie. Mais est-ce une mauvaise nouvelle pour autant ? Côté économique, le secteur aéronautique se porte bien. Airbus a pu dégager un bénéfice historique de 5 milliards d’euros en 2022, la plupart des aéroports au niveau international affichent des résultats largement positifs et même Air France a renoué avec les bénéfices. Il existerait donc un modèle économique viable malgré un trafic réduit ?   

Le modèle actuel basé sur la poursuite de la croissance du trafic aérien n’est pas soutenable.

Bonne nouvelle, car le modèle actuel basé sur la poursuite de la croissance du trafic aérien n’est pas soutenable. 

En effet, alors que l’ensemble des secteurs économiques est appelé à faire des efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le changement climatique, le secteur aérien fait figure d’exception. Dopées par l’explosion du trafic, ses émissions ont doublé en 30 ans pour représenter aujourd’hui 7 % des émissions de CO2 françaises. Et il faut ajouter à cela les émissions autres que le CO2, notamment les traînées de condensation, qui multiplient au moins par deux son impact climatique. Cette croissance est incompatible avec les engagements pris par la France en signant l’Accord de Paris.

L’augmentation exponentielle du trafic, qui a doublé en 25 ans, impacte aussi gravement la santé et la qualité de vie des riverains d’aéroports, qui sont plusieurs millions à être exposés à la pollution atmosphérique des avions, et à un niveau de bruit aérien supérieur aux seuils recommandés par l’OMS.  Or ce bruit aérien n’est pas une gêne, mais une menace pour l’espérance de vie, comme le souligne une tribune récemment signée par plus de 200 médecins et soignants. 

Sans réduction du trafic, nous ne réduirons pas suffisamment et dans les délais requis les émissions du secteur.

Que faire pour sortir de cette impasse sanitaire et climatique ? L’industrie met en avant les progrès technologiques qui permettraient d’améliorer l’efficacité énergétique des avions afin de baisser leur consommation, ainsi que les carburants alternatifs (SAF) qui pourraient remplacer le kérosène dans les années à venir. Le constat est sans appel : les gains d’efficacité énergétique ne seront pas suffisants, et il n’y aura pas assez de carburants alternatifs (SAF) pour tous les avions car nos ressources sont largement contraintes. Ce constat fait l’objet d’un large consensus, de l’Ademe à RTE en passant par le Shift Project ou les enseignants-chercheurs de l’école d’aéronautique Isae-Supaero. 

Les représentants du secteur aéronautique ou les décideurs politiques pourront le nier et poursuivre leur discours hors sol pendant le salon du Bourget devant les 2 700 journalistes annoncés, cela ne changera pas la réalité : sans réduction du trafic, nous ne réduirons pas suffisamment et dans les délais requis les émissions du secteur, ni la pollution sonore et atmosphérique. L’aveuglement du secteur, à l’image d’Airbus et Boeing qui visent à doubler le nombre d’avions en service d’ici 2045, empêche toute anticipation alors que chaque année de retard renforce la vulnérabilité des salariés.

Continuer de refuser de voir la réalité en face, c’est demander encore plus d’efforts à d’autres secteurs pour maintenir les privilèges exceptionnels de l’aérien. À qui va-t-on les demander ? Aux agriculteurs ? Aux automobilistes ? Les défis auxquels ces derniers sont confrontés sont déjà immenses. Ce ne serait ni juste, ni raisonnable. 

La vraie question n’est plus de savoir s’il faut réduire le trafic aérien, mais comment y parvenir de manière juste et cohérente avec les enjeux climatiques et sanitaires. »

Liste des organisations signataires

  • Attac France
  • Aviactions – Luttes locales pour la réduction du trafic aérien 
  • Alternatiba
  • ANV-COP21
  • Le collectif Pensons l’Aéronautique pour Demain
  • Les Amis de la Terre France
  • Les Ateliers ICARE)
  • Greenpeace
  • Transport & Environment
  • Réseau Action Climat
  • Rester sur Terre
  • Collectif contre  les nuisances aériennes de  l’agglomération toulousaine |CCNAAT
  • Union française contre les nuisances des aéronefs |UFCNA
  • Union Européenne Contre les Nuisances Aériennes |UECNA
  • Scientifiques en Rébellion