10.10.2025 – Reporterre
Biocarburants, climatisation électrique… Les opposants à l’agrandissement de l’aéroport de Roissy ont taxé l’aéroport, qui prévoit une hausse du trafic de près de 20 % d’ici à 2050, de greenwashing.
Roissy-en-France (Val-d’Oise), reportage
« On veut écouter le chant des oiseaux, pas le bruit des avions. » Une cinquantaine d’activistes ont profité d’un bilan de la concertation publique autour du projet de développement de l’aéroport de Roissy-CDG pour exprimer leur mécontentement.
Au milieu de cette soirée du 9 octobre, organisée dans la salle de la maison de l’environnement de Paris-Charles de Gaulle, ils se sont levés soudainement, ont brandi des pancartes et scandé des slogans tels que « Roissy, ça suffit », « non à l’extension, marre de la pollution » ou encore « on veut dormir ».

ADP a listé les efforts qu’il compte fournir pour limiter les nuisances conséquentes à la hausse de trafic.
L’action, très bon enfant, a duré quelques minutes et les militants ont quitté la salle d’eux-mêmes. « Est-ce qu’il y a des gens qui veulent continuer le dialogue et un débat constructif ? Car nous avons organisé 85 réunions pour cela et ces gens n’ont pas voulu débattre », assure Pierre Abraham, le directeur adjoint de l’aéroport, sous les applaudissements des personnes restées dans le public.
Hausse de près de 20 % du trafic d’ici 2050
Une affirmation qui n’est pas tout à fait exacte. Plusieurs associations ont participé aux réunions notamment sur les sujets de décarbonation. La preuve, Charlène Fleury, la coordinatrice du réseau Rester sur Terre, apparaît sur l’une des vidéos de bilan de la concertation diffusée en début de séance.
Dans le public, Romain Eskenazi, le député socialiste de la 11e circonscription du Val-d’Oise a pris la défense des activistes : « Vous ne pouvez pas reprocher aux militants, à qui on annonce une hausse de près de 20 % du trafic d’ici 2050, de faire un coup d’éclat pour défendre leur santé et l’environnement ».
En effet, selon les chiffres de l’aéroport, la croissance du trafic s’établirait autour de 1,5 % par an. « Un taux beaucoup plus faible que celui qu’on a connu par le passé », rappelle Pierre Abraham. « Aéroports de Paris ne peut pas être un acteur de la décroissance, mais nous sommes engagés dans une réduction des nuisances et nous continuerons à agir en ce sens », poursuit-il.
Pour faire passer la pilule du développement, la plateforme a donc organisé une concertation volontaire du 8 avril au 8 juillet. Près de 20 000 avis ont été recueillis, soit le double que pour le projet du Terminal 4, abandonné sous cette forme en 2021. Les opposants n’avaient jamais vraiment cru à l’abandon du projet d’agrandissement — et la suite de l’histoire leur a donné raison, même si l’aéroport s’en défend.
« Nous tournons le dos au gigantisme du T4. Nous allons densifier nos opérations dans l’existant, ce qui est plus coûteux et plus difficile que de construire de nouvelles infrastructures », assure Pierre Abraham.
ADP a organisé une concertation qui a permis de recueillir 20 000 avis. Les opposants demeurent mobilisés contre l’extension.

Des membres de l’association ADVOCNAR, de Greenpeace, du CPTG de Gonesse, de France Nature Environnement, de Rester sur Terre et des Amis de la Terre étaient présents lors de cette action.
Carburants aéronautiques durables
Pas de nouveau terminal, mais des « des aménagements phasés et modulaires », dont les détails et le calendrier n’ont pas été dévoilés. En revanche, le groupe a listé toute une série d’efforts qu’il compte fournir pour limiter les nuisances conséquentes à cette hausse de trafic.
Pour suivre une « trajectoire de décarbonation » visant à atteindre 85 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, ADP, anciennement Aéroports de Paris, veut optimiser les trajectoires des avions, réduire le temps de roulage au sol, proposer des unités de climatisation électrique pour éviter l’utilisation des moteurs durant le stationnement. Mais aussi inciter les compagnies à renouveler leur flotte en allant plus loin dans le malus imposé aux avions les plus anciens et donc les plus polluants, qui paient actuellement 2,5 fois plus de taxes que les appareils plus récents.
Charlène Fleury du réseau Rester sur Terre : « Une hausse du trafic aérien signifie enterrer l’Accord de Paris. »
Enfin, l’aéroport met beaucoup d’espoir dans le développement des carburants aéronautiques durables. Or, selon un rapport de la Fédération européenne pour le transport et l’environnement (T&E) publié le 9 octobre, leur production émet 16 % de CO2 de plus que les carburants fossiles. Un rapport dont Yannael Billard, le directeur adjoint aménagement et développement durable d’ADP, n’avait pas connaissance.
« Des chiffres, on peut en trouver plein. Ce qui est sûr, c’est qu’un biocarburant doit respecter plusieurs critères de durabilité qui incluent une non-compétition avec l’alimentation humaine et animale. Ils ne peuvent se revendiquer durables qu’à la condition d’émettre au minimum 60 % de CO2 en moins par rapport au kérosène », explique-t-il.
Ces arguments n’ont pas convaincu les activistes venus protester. « Ce soir, c’était le festival du greenwashing, estimait Basile Barjon, chargé de campagne pour l’association Rester sur Terre. Ils présentent un projet en se basant sur des technologies qui ne sont pas matures. »
Sa collègue, Charlène Fleury, a renchéri : « Toutes les solutions de décarbonation mises en avant pendant la concertation sont fallacieuses et non sourcées. On dénonce une forme de pensée magique pour justifier un projet qui n’a pas lieu d’être. Car une hausse du trafic aérien signifie enterrer l’Accord de Paris. Nous allons nous battre pour faire échouer ce projet. »


