07.03.2024 – Libération
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Vingt collectifs de riverains des cinq aéroports les plus fréquentés d’Europe, victimes actuelles et futures du réchauffement climatique, appelle leur gouvernement à imposer le plafonnement du nombre de vols et des diminutions du bruit, de la pollution de l’air et des émissions de CO2.
Par Vingt collectifs de riverains des cinq aéroports les plus fréquentés d’Europe, Paris-CDG, Londres-Heathrow, Madrid-Barajas, Francfort et Amsterdam-Schiphol.
Nous, riverains des cinq aéroports les plus fréquentés d’Europe – Paris-CDG, Londres-Heathrow, Madrid-Barajas, Francfort et Amsterdam-Schiphol – appelons nos gouvernements et l’Europe à plafonner tous les aéroports, les aérodromes et les héliports pour stopper la croissance incontrôlée du trafic aérien. Ce dernier a presque retrouvé son niveau de 2019 et pourrait doubler d’ici 2040. Une catastrophe quand on sait que cette augmentation du nombre de vols n’est compatible ni avec nos objectifs climatiques, ni avec la préservation de la santé des populations affectées par le bruit et la pollution de l’air. Les études scientifiques sont formelles et ne laissent plus de place au doute. De plus, pour de nombreuses destinations européennes, il existe des alternatives en train. Face à ce constat, des choix politiques clairs et déterminés doivent être faits, comme récemment pour l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol.
Le gouvernement néerlandais et le gestionnaire de cet aéroport ont pris conscience que la croissance des activités aériennes n’est plus soutenable. Aussi ont-ils souhaité réduire le nombre de vols, instaurer un couvre-feu, bannir l’aviation privée et abandonner le projet de nouvelle piste. «Nous ne pouvons pas demander aux habitants de la région de faire des sacrifices pendant des années pour ceux qui prennent l’avion juste pour leurs vacances», a déclaré Ruud Sondag, le précédent PDG de l’aéroport. Des dizaines de millions de personnes subissent, nuit et jour, le bruit et la pollution des avions. Le bruit est un problème de santé publique majeur : troubles du sommeil, troubles cognitifs, hypertension, maladies cardiovasculaires. Rien qu’en France, son coût social a été estimé à 6,1 milliards d’euros annuels. Pourtant, les directives et le règlement européen qui imposent des plans de réduction du bruit aérien, ne sont respectés sur le fond par aucun aéroport européen, car le bruit continu à augmenter autour des plateformes aéroportuaires comme en témoignent les cartes stratégiques du bruit.
La pollution de l’air des aéroports n’est ni réglementée ni mesurée
Chaque année, la pollution de l’air provoque plus de 250 000 décès en Europe, et l’aviation y contribue localement de manière significative. Les particules ultrafines émises par les réacteurs d’avion sont plus petites que celles des moteurs diesel, et donc plus toxiques. Mais elles ne sont ni réglementées ni mesurées. La pollution atmosphérique des aéroports reste la grande oubliée des politiques de qualité de l’air.
Pour ce qui est du climat, l’impact de l’aviation est loin d’être négligeable. L’aviation commerciale contribue à hauteur de près de 5% aux émissions européennes de CO2 (1), et de près de 7% à celles de la France. Une étude révèle qu’en 2019, les 20 aéroports les plus polluants du monde – parmi lesquels Paris-CDG, Londres-Heathrow, Francfort et Amsterdam-Schiphol – ont émis autant de CO2 que 58 centrales à charbon ! Cela, sans compter l’impact climatique des émissions autres que le dioxyde de carbone, notamment les traînées de condensation, qui multiplient au moins par deux l’impact du seul CO2. Deux fois plus important qu’il y a trente ans, le poids du secteur aérien dans les émissions globales est d’autant plus disproportionné que ce mode de transport reste majoritairement utilisé par une faible partie de la population, et principalement pour leurs loisirs. A l’heure où l’Europe et nos gouvernements demandent à tout le monde de faire des efforts, il est difficilement compréhensible d’en exempter l’aérien.
Prendre en compte la reconversion des travailleurs concernés
Or, pour que le secteur prenne sa part dans la baisse des émissions, la réduction du trafic est incontournable. Car ni les progrès technologiques, ni les carburants d’aviation dits «durables» ne seront disponibles en quantité dans les délais requis. Deux rapports publiés en janvier 2024 par l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol démontrent qu’une réduction d’au moins 30% par rapport à 2019 de ses émissions et de celles de l’aviation européenne est nécessaire d’ici 2030 pour respecter l’accord de Paris sur le climat. Et la direction de l’aéroport reconnaît qu’il n’y a pas d’autre solution à court et moyen terme que de mettre un coup d’arrêt à la croissance du trafic aérien et de le réduire rapidement. Cela permettrait également de limiter les impacts sanitaires. Un tel changement de cap n’étant pas sans conséquences sur l’emploi, il doit impérativement prendre en compte la reconversion des travailleurs concernés.
Nous, victimes des nuisances des aéroports et victimes présentes et futures du réchauffement climatique, serons mobilisés en France et en Europe du 13 au 17 mars 2024 pour demander à nos gouvernements et à l’Union européenne de suivre la voie nécessaire ouverte par les Pays-Bas en prenant enfin des mesures concrètes : le plafonnement et la réduction du nombre de vols, tout en s’assurant que le bruit, la pollution de l’air et les émissions de CO2 soient également fortement orientés à la baisse – et la généralisation des couvre-feux – dans l’ensemble des aéroports, aérodromes et héliports.
Associations signataires :
Paris-CDG : Françoise Brochot présidente d’Advocnar et membre du groupe Gare, Audrey Boehly porte-parole du Collectif Non au T4, Chantal Beer-Demander présidente de l’UFCNA,
Londres-Heathrow : Steve Rising Tide coordinateur de Stay Grounded United Kingdom, Anna Hughes directrice de Flight Free UK,
Francfort-Main : Michael Flörsheimer membre deBBI-Bündnis der Bürgerinitiativen im Rhein-Main-Gebiet – gegen Flughafenausbau – für eine Nachtflugverbot von 22 Uhr-6 Uhr
Amsterdam-Schiphol : Alfred Blokhuizen membre de Schipholwatch, Roald Fekken membre de Amsterdam Fossielvrij, Matt Poelmans membre de Omgeving Zonder Vlieghinder, Wouter Looman, membre de Platform Vliegoverlast Amsterdam
Madrid-Barajas : Juan Manuel Martínez porte-parole de la Plataforma contra la ampliación de Baraja, Pablo Muñoz Nieto, coordinateur de la campagne mobilités durables de Ecologistas en Acción, Enrique Villalobos président de la Federación Regional de Asociaciones Vecinales de Madrid María Roca membre du conseil d’administration de la Asociación Española de Educación Ambiental Rosa María Prieto Fernández, membre de la Asociación Vecinal de Mejorada del Campo Eloy Rodríguez, membre de la Plataforma contra el ruido de San Fernando de Henares Esther Moraga membre de la Asociación Vecinal Parque Henares Jesús Fernández Guinea membre de la Asociación Vecinal Jarama Gabriel Reina membre de la Asociación por la Defensa de Belvis
(1) En 2019, les émissions de CO2 de l’aviation ont représenté 3,8% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE, elles-mêmes composées à 80% de CO2 et de 20% d’autres GES, soit 3,8 /80×100 = 4,8% des émissions de CO2 de l’UE (Source : Parlement européen : Emissions de CO2 des avions et des navires : faits et chiffres et Emissions de gaz à effet de serre par pays et par secteur)